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06.04.2021 - HERITAGE NEWS

Entre arts et patrimoines. Colloque international

Entre arts et patrimoines

Colloque international

 

Ethnopôle GARAE

GIS Patrimoines en partage

 

Carcassonne, du 13 au 15 décembre 2021

 

 

Les termes « art » et « patrimoine » renvoient à des dispositifs (au sens où l’entend Foucault) de mise en valeur des biens d’exception[1]. S’ils participent tous deux du traitement particulier qui préside à la délimitation de ce qui relève du champ de la Culture (au sens malrucien du terme), si l’un et l’autre supposent, pour les objets concernés, une reconnaissance sociale et symbolique de leur qualité artistique ou patrimoniale, et si aujourd’hui le périmètre de leur application respectif tend à s’élargir toujours davantage à de nouveaux objets, ils se différencient pourtant l’un de l’autre. Ainsi, les mondes de l’art sont-ils gouvernés par un régime de singularité radical qui fait de l’œuvre l’expression la plus personnelle de son créateur et de la réception esthétique une expérience très intime, l’une et l’autre, de fait, génératrices de distinction, tandis qu’en patrimoine la subjectivation s’avère davantage affaire de collectifs et déportée de l’objet aux porteurs, lesquels se posent eux-mêmes en vecteurs de patrimoine, leur revendication d’un droit à la patrimonialisation s’inscrivant pleinement dans notre modernité des « droits culturels ». À y regarder de près ainsi que s’y est employée Nathalie Heinich[2], les deux dispositifs peuvent même à la limite apparaître comme antinomiques, la patrimonialisation s’apparentant à une désartification. En effet, en se diversifiant, en mobilisant d’autres ressources (la science, l’histoire, l’ethnologie), le patrimoine n’est plus, comme il l’était originellement, adossé aux monuments historiques considérés comme chefs-d’œuvre artistiques.

Ce faisant, la littérature scientifique attachée à analyser ces processus de mise à distance des biens d’exception que sont l’artification et la patrimonialisation ne fait pas toujours très nettement le distinguo, tendant assez communément à user plutôt indifféremment de l’un et l’autre termes. Certes, en paraphrasant Daniel Fabre, l’on peut dire que ces dispositifs, apparus à des moments distincts de notre histoire occidentale, entretiennent aujourd’hui des rapports qui sont moins d’élimination que de réemploi[3]. En d’autres termes, les deux dispositifs coexistent, agissent de concert, et de façon concourante comme le fait remarquer Charlotte Pescayre à propos de la maroma (à savoir un ensemble de pratiques circassiennes mexicaines), dont la patrimonialisation tire de l’artification concomitante un supplément d’« anoblissement »[4]. Mais les deux dispositifs peuvent tout aussi bien confronter leurs différences et produire des effets moins cumulatifs qu’hétérogènes, voire discordants, ce que montre Sylvie Beaud à propos des masques nuo, lesquels en Chine se prêtent, sous l’égide des administrateurs, à une patrimonialisation corollaire de l’affirmation de l’état-nation tandis qu’en France, aux yeux des conservateurs et des collectionneurs, ils relèvent bien davantage de la catégorie des arts premiers[5]. De même, l’art aborigène australien a-t-il fait l’objet de réceptions divergentes, quoiqu’observables dans les seules limites du périmètre national et bien qu’impliquant d’autres types acteurs que ceux aperçus à l’instant. Ainsi, dans des années 1980, la patrimonialisation de l’art traditionnel indigène a-t-elle eu pour corollaire la stigmatisation des artistes aborigènes contemporains, taxés d’inauthenticité. Or ces derniers se réclamaient autant de leurs aînés que de l’Art, refusant par conséquent de reconnaître quelque solution de continuité que ce soit entre les deux types d’expression, les œuvres du désert autant que leur art des villes pouvant prétendre, selon eux, à la dignité que confère l’onction de l’institution artistique[6].

Comme dans les quelques exemples qui précèdent, c’est précisément au point où les deux mouvements d’institution en art et en patrimoine hésitent, convergent ou divergent que nous souhaitons ancrer la réflexion au cours de ce colloque : là où les deux processus interviennent successivement ou simultanément ; là où l’un conforte les effets de l’autre ou au contraire là où ils se parasitent, se contrarient ; là où, encore, ils agissent dans des directions différentes, faisant passer un même bien à travers des frontières catégorielles distinctes. Plus ou moins confuse ou maîtrisée, l’impulsion donnée à ces glissements pluriels opérant de bas en haut au sein des hiérarchies culturelles semble tout particulièrement favorisée dans le contexte qui est le nôtre, marqué au coin par l’affirmation d’un « nouveau régime de patrimonialité »[7] (ou, pour le dire avec les nuances que d’aucuns tiennent à apporter, d’un « nouveau régime de patrimonialisation »[8]), celui que suppose l’assomption du PCI (patrimoine culturel immatériel). Les domaines consacrés de cette nouvelle catégorie de patrimoine (arts du spectacle, savoir-faire, artisanat) ne sont-ils pas également ceux à partir desquels s’opère la consécration comme art, ainsi qu’en font état ethnologues et sociologues[9] ?

 

Privilégiant ce présent singulier de la Culture, les propositions de communications veilleront à bien resserrer la focale sur des cas mettant en scène la coexistence (en diachronie et / ou en synchronie) des deux dispositifs de mise en valeur des biens d’exception, art et patrimoine.

L’attention portera, avec plus ou moins d’insistance en fonction des terrains abordés, sur les points suivants :

-       les biens concernés, que leur arrimage premier, dans l’une ou l’autre des catégories, art ou patrimoine, soit fermement établi, ou que leur identification soit plus incertaine comme on l’observe pour les productions de « l’Autre de l’Art » ;

-       les acteurs impliqués, individus et institutions (notamment les musées) engagés dans les processus de qualification, disqualification ou de requalification des biens ;

-       les modalités qu’emprunte/nt la/les conversion/s, sans perdre de vue par ailleurs les freins ou les obstacles éventuels opposés à l’ascension des biens sur l’une et/ou l’autre échelles de la légitimité, les solutions de contournement qui se font jour ; notamment, les situations de médiation feront l’objet d’une attention toute particulière qu’il s’agisse d’importer en art des injonctions telle la participation des publics, ou que l’on recoure à l’artiste pour donner à voir le patrimoine autrement ;

-       les circulations (transits, transferts, inclusion, exclusion, abandon, récupération, etc.) d’une catégorie à l’autre et les enjeux qui s’y attachent ;

-       les catégories elles-mêmes, art et patrimoine : leur appréhension, par le sens commun ou par le droit, dans un ou des contextes culturels donnés, l’infléchissement subi par leur caractérisation dans ces situations de déplacement, d’entre deux ou d’hybridation, voire l’apparition d’un autre type de dispositif.

 

Pour résumer à grands traits, il s’agira, à travers les rapprochements, frôlements, frottements, recouvrements, croisements, ou collisions qui se font jour entre art et patrimoine, de se donner l’opportunité d’appréhender ce que l’art fait au patrimoine et inversement. Cela étant, au-delà des instantanés aux contours plus ou moins nets produits par ce jeu de miroir, l’on espère plus fondamentalement découvrir ou plutôt redécouvrir, sous un nouveau jour, les logiques à l’œuvre au cœur de nos dispositifs de mise en valeur et, outre la manière dont s’actualise l’agencement de ces ressorts, leur arraisonnement à une axiologie en phase avec les désirs de Culture et de pérennité au cœur de notre postmodernité.

 

 

Comité scientifique 

 

Emanuela Canghiari, chargée de recherche FRS-FNRS, ISPOLE, UCLouvain

Fernanda Célis, doctorante, Institut d’Histoire de l’Art et Muséologie, Université de Neuchâtel

Nathalie Cerezales, régisseur / assistante à la direction, Bibliothèque littéraire Jacques Doucet

Octave Debary, professeur, Université de Paris, directeur du CANTHEL, Centre d’Anthropologie Culturelle

Cécile Guillaume-Pey, chargée de recherches CNRS, CEIAS, Paris

Véronique Moulinié, directrice de recherches CNRS, Héritages, Cergy-Pontoise

Pénélope Patrix, postdoctorante, Centre des Estudos comparatistas, Universidade de Lisboa

Sylvie Sagnes, chargée de recherches CNRS, Héritages, Cergy-Pontoise

Gaspard Salatko, post-doctorant, Fondation des sciences du Patrimoine

 

 

Calendrier et modalités de soumission

 

Lancement de l’appel à communication : 1er avril 2021

Date limite de soumission des propositions (résumé de 2 000 signes maximum, espaces compris, précisant la problématique, le cas d'étude, la méthodologie employée) : 15 mai 2021

Les propositions seront adressées aux deux adresses suivantes :

ethnopolegarae.cbellan@orange.fr

sylvie.sagnes@cnrs.fr

Les propositions reçues seront transmises de façon anonyme au comité scientifique pour évaluation.

Réponse du comité scientifique et sélection des communications retenues : mi-juin 2021

Les propositions retenues devront donner lieu à un texte le plus abouti possible à la veille du colloque, de façon à pouvoir être communiquées aux modérateurs, accompagnées d’une note biobibliographique de manière à faciliter le travail des modérateurs. Ces premières versions devront être transmises au plus tard le 15 novembre 2021. Dans l’optique d’une publication collective, les versions définitives seront attendues pour le 31 janvier 2022.

 

 



[1] Daniel Fabre, « La pérennité », in Nathalie Heinich, Jean-Marie Schaeffer & Carole Talon-Hugon (dir.), Par-delà le beau et le laid. Enquêtes sur les valeurs de l’art. Rennes, Presses universitaires de Rennes,coll Æsthetica, 2014 : 83-104.

[2] Nathalie Heinich, La fabrique du patrimoine. « De la cathédrale à la petite cuillère », Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, Ministère de la Culture, 2009 ; « L’Inventaire : un patrimoine en voie de désartification ? », in Nathalie Heinich, Roberta Shapiro (dir.), De l’artification. Enquêtes sur le passage à l’art, Paris, Éditions de l’EHESS, 2012 : 193-210 ; « Quand y-a-t-il désartification ? », Cités, n°75, 2018 : 25-32.

[3] Daniel Fabre, « L’ordinaire, le familier, l’intime, loin du monument », in Claudie Voisenat & Christian Hottin (dir.), Le Tournant patrimonial, Paris, MSH, 2016 : 43-58.

[4] Charlotte Pescayre, « La maroma mexicaine contemporaine : patrimoine ou "cirque indigène" ? », Terrain, n° 64, 2015 : 3-15.

[5] Sylvie Beaud, « Masques de Chine, visages du nuo : du patrimoine à l’art premier », Ateliers d'anthropologie, 43, 2016, [En ligne]

[6] Géraldine Le Roux, « Regards d’artistes sur les processus de patrimonialisation et de commercialisation de la culture aborigène », Journal de la Société des Océanistes, 134, 2012 : 85-94.

[7] Laurier Turgeon, « Introduction. Du matériel à l’immatériel. Nouveaux défis, nouveaux enjeux », Ethnologie française, 40(3), 2010: 389-399.

[8] Jean Davallon, « De l’œuvre d’art à l’objet patrimonial », Communication & langages, n° 202, 2019 : 133-152.

[9] Nathalie Heinich, Roberta Shapiro (dir.), De l’artification. Enquêtes sur le passage à l’art, Paris, Éditions de l’EHESS, 2012

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